L’ APEC prévoit une légère progression des recrutements en 2024
En 2024, les recrutements de cadres continueraient à progresser mais à un rythme nettement ralenti (+2 %). Il prendrait toujours appui sur les services à forte valeur ajoutée et l’industrie. Le commerce, la construction et certains services (immobilier) seraient moins actifs.
Les régions motrices pour l’emploi cadre (Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse, Occitanie et Pays de la Loire) seraient contributeurs à cette progression.
Les autres territoires verraient leur volume de recrutements de cadres se contracter ou demeurer stable. Ces baisses ne seraient pas de nature à gommer les hauts niveaux de recrutements établis en 2023.
Toutefois, de nombreux aléas entourent cette prévision :
La croissance économique 2024 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices avec un contexte géopolitique facteur d’instabilité, et un investissement percuté par la forte hausse des taux d’intérêt en 2022 et 2023.
Le marché de l’emploi cadres est resté porteur en 2023 et s’établit bien au-delà des 300 000 recrutements prévus.
Les entreprises ont recruté près de 331 000 cadres en 2023 soit une progression de 7 % sur un an et un nouveau record historique. Après les forts rebonds post-Covid (+18 % en 2021 et +15 % en 2022), la dynamique de l’emploi cadre a retrouvé, l’an dernier, son rythme d’avant crise.
Les services à forte valeur ajoutée (activités informatiques, ingénierie-R&D, conseil, banque-assurance) sont restés très actifs et la bonne surprise est venue de l’industrie avec un bilan 2023 très positif (+15 %), notamment par un effet de rattrapage dans l’automobile et l’aéronautique. Le commerce et la construction sont, en revanche, à la peine.
L’ensemble des régions ont profité de cette bonne orientation, avec une mention spéciale pour l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Occitanie et les Pays de la Loire qui affichent les plus fortes progressions.
Bilan 2023
330 700 recrutements de cadres réalisés en 2023
Après deux années de forts rebonds économiques, la croissance économique hexagonale est rentrée dans le rang en 2023 (+0,9 %). Ce ralentissement est lié à une consommation des ménages atone alors qu’elle constitue, en règle générale, un puissant vecteur de croissance. La spirale inflationniste, encore forte l’an dernier, a en effet incité les ménages à la prudence en privilégiant l’épargne à la consommation. Pour autant, l’investissement des entreprises, moteur de croissance essentiel pour l’emploi cadres, a bien résisté et affiche une progression de +2,7 % sur un an. Dans ce contexte, le marché de l’emploi cadres est resté bien orienté avec des entreprises qui ont recruté 330 700 cadres (+7 %). Il renoue avec la dynamique qui le caractérisait avant la crise sanitaire. In fine, les entreprises ont recruté beaucoup plus de cadres que ce qu’elles avaient prévu un an auparavant même si l’activité semble avoir ralenti au dernier trimestre 20231.
Les moteurs traditionnels de l’emploi cadre (activités informatiques, ingénierie – R&D, activité juridiques, comptables, conseil) sont restés très actifs avec des hausses observées de leur volume de recrutements de cadres oscillant entre +6 et +10 %. La bonne surprise est venue de l’industrie en pleine transformation et dont les besoins en expertise et compétences cadres se sont renforcés (+15 %).
On peut faire aussi l’hypothèse que le cycle de rebond post-Covid a été plus lent à se manifester dans l’industrie. D’autres secteurs, en revanche, ont réduit leur voilure (la construction, la distribution généraliste et spécialisée), dans un contexte économique extrêmement délicat. Dans les territoires, le marché de l’emploi cadre est, sans exception, demeuré porteur.
Trois régions (Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire) se singularisent par des progressions conséquentes en lien avec un tissu économique riche en services à forte valeur ajoutée et d’industries à haute intensité technologique.
Des créations d’emplois de cadres en hausse en 2023
Dans un marché de l’emploi cadre qui se caractérise par une forte fluidité, les entreprises ne se sont pas contentées de recruter des cadres pour compenser des départs. Elles ont ainsi créé plus de 85 000 postes de cadres par recrutement externe ou promotion interne, soit une progression de 6 % sur un an. En parallèle des 330 700 recrutements réalisés, elles ont continué à activer leur marché interne et promu 66 600 salarié.es au statut de cadre (+5 %), soit au global 397 300 postes pourvus et un volume supérieur aux 311 900 sorties enregistrées (licenciements, démissions, départs à la retraite).
Prévisions 2024
337 000 recrutements prévus en 2024
En 2024, d’après les instituts de conjoncture, le scénario d’une franche reprise économique n’est pas à l’ordre du jour. La croissance pourrait même encore fléchir et se situer à +0,8 %2. Aussi, le reflux de l’inflation amorcé pourrait redonner du souffle à la consommation des ménages, et une fois n’est pas coutume, l’investissement des entreprises pourrait montrer des signes de faiblesse. Il pourrait s’inscrire en retrait en 2024 selon la Banque de France (-0,4 %) après trois années consécutives de hausse. En cause, le relèvement des taux d’intérêt décidé par la Banque centrale européenne (BCE) pour lutter contre l’inflation. Il pourrait obérer la capacité des entreprises à financer leurs investissements. Dans ce contexte, la dynamique de l’emploi cadre perdrait en intensité avec des recrutements qui progresseraient, selon les déclarations des entreprises dans l’enquête, de seulement 2 % en 2024. Cette hausse prévue masque toutefois des situations sectorielles contrastées.
Si les services à forte valeur ajoutée et l’industrie (+4 %) seraient bien orientés, la distribution, la construction et certains services comme l’immobilier le seraient beaucoup moins. C’est également le cas de certains territoires (Centre – Val de Loire, Nouvelle- Aquitaine et Hauts-de-France) dont les volumes de recrutements s’inscriraient en légère baisse, alors que les régions bien dotées en services à forte valeur ajoutée poursuivraient leur progression (Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France).
Des niveaux historiques d’embauches dans les places fortes de l’emploi cadres
Le marché de l’emploi cadres resterait porteur en 2024 et plus particulièrement dans ses places fortes. Avec 160 110 recrutements de cadres prévus (+2 %), l’Île-de-France représenterait à elle-seule près d’une embauche de cadre sur deux en 2024.
En effet, la région capitale se caractérise par un tissu économique d’une dimension à nulle autre pareille et riche en activités à forte valeur ajoutée telles que les activités informatiques et télécommuni- cations, les activités juridiques, comptables et de conseil ou encore l’ingénierie-R&D. Sans surprise, la région Auvergne-Rhône-Alpes maintiendrait sa deuxième place en termes de volumes de recrute- ments de cadres avec une progression de 3 % soit 38 520 embauches attendues en 2024.
Sa structure sectorielle est équilibrée entre des services à forte valeur ajoutée et des activités industrielles de pointe (fabrication de composants électriques, électroniques, optiques, etc.).
Les plus fortes progressions s’observeraient en Pays de la Loire et en Occitanie
Après avoir enregistré de fortes progressions en 2023, les Pays de la Loire et l’Occitanie figureraient parmi les régions les plus dynamiques en termes de recrutements de cadres en 2024, affichant respec- tivement des hausses prévisionnelles de 4 % et 3 %. Cette tendance est liée notamment à la présence – et surtout – à la bonne orientation des activités informatiques autour des métropoles de Nantes et de Montpellier. L’industrie n’est pas en reste puisque ces deux régions devraient profiter de sa robustesse. L’Occitanie devrait bénéficier de la bonne tenue de la filière aéronautique, tandis que la région des Pays de la Loire s’appuierait sur la diversité de son tissu productif (construction navale, aéronautique, automobile) qui contribuerait à la dynamique des recrutements de cadres ligériens.
Une contraction attendue des embauches de cadres dans certains territoires
Certaines régions enregistreraient un léger recul des embauches de cadres en 2024. C’est notamment le cas en Centre-Val de Loire (-3 %), en Hauts-de- France et en Nouvelle-Aquitaine (-1%). Pour autant ces baisses sont à relativiser car les niveaux de recrutements resteraient élevés dans ces territoires et proches des seuils records atteints en 2023. Ce constat prévaut également en Normandie et en Bretagne avec des volumes de recrutements qui se stabiliseraient à haut niveau. Les entreprises bretonnes pourraient, de nouveau, réaliser plus de 10 000 embauches de cadres. Dans les activités informatiques, dans l’industrie automobile ou dans l’industrie des équipements électriques et élec- troniques de ce territoire, les compétences cadres resteraient très demandées.
Les services à forte valeur toujours en pointe en 2024
Acteurs centraux des changements de paradigmes technologiques et des transformations structurelles qui touchent l’ensemble de l’économie, les services à forte valeur ajoutée continueraient à être très actifs sur le marché de l’emploi cadre avec près de 190 000 recrutements prévus en 2024 soit une progression de 4 %. Les activités informatiques, de loin le 1er contributeur, progresseraient de 6 % avec 76 200 embauches cadres envisagées. L’ingénierie-R&D, les activités juridiques, comptables et conseil et la banque-assurance apporteraient leur écot avec des hausses oscillant entre +2 et +4 %. Seul le secteur communication-médias s’inscrirait en baisse (-6 %).
Les autres services en difficulté
Dans les autres services (60 750 recrutements prévus), le tableau est bien plus contrasté. Certains secteurs tireraient leur épingle du jeu comme la santé et action sociale (+3 %) et l’hôtellerie, restau- ration, loisirs (+2 %), alors que d’autres devraient réduire sensiblement la voilure. C’est notamment de loin le 1er contributeur, progresseraient de 6 % avec 76 200 embauches cadres envisagées. L’ingénierie- R&D, les activités juridiques, comptables et conseil et la banque-assurance apporteraient leur écot avec des hausses oscillant entre +2 et +4 %. Seul le secteur communication-médias s’inscrirait en baisse (-6 %).
C’est notamment le cas pour les services divers aux entreprises (-5 %), la formation initiale et continue (-3 %) ou encore les activités des organisations associatives (-4 %). Mais ces baisses sont sans commune mesure avec celle prévue dans l’immobilier (-30 %) qui traverse une crise historique.
Bonnes orientation dans l’industrie
Après un millésime 2023 remarquable (+15 %), les entreprises industrielles font preuve d’un opti- misme teinté de prudence pour leurs prévisions 2024. Elles envisagent l’embauche de près de 47 000 cadres soit une progression de 4 % par rapport à l’an dernier. Ce sont les secteurs à haute intensité technologique et à fort taux d’encadrement qui se montreraient particulièrement actifs en volume
de recrutements : les équipements électriques et électroniques (+8 %), l’automobile, aéronautique et autres matériels de transport (+5 %) ou encore la chimie et l’industrie pharmaceutique (+3%). Enfin l’ensemble énergie, eau, gestion des déchets, au cœur de la transition environnementale, est le mieux orienté pour 2024 avec la plus forte hausse de recrutements envisagée (+10 %).
La construction s’enfonce dans la crise
Les entreprises de la construction se montrent particulièrement pessimistes pour 2024 avec notamment une production en logements neufs qui s’effondrerait et des dépenses des ménages en biens immobiliers toujours en recul. Les recrutements de cadres dans ce secteur pourraient baisser de 3 % en 2024.
Le commerce reste fragilisé
Le recul de la consommation des ménages lié à l’inflation a accentué les fragilités d’un secteur déjà très éprouvé. Dans la distribution spécialisée, des pans entiers de segments commerciaux sont dans la tourmente (équipement de la personne, de la maison, jouets, sports, etc.) et des dépenses des ménages en biens immobiliers toujours en recul. Les recrutements de cadres dans ce secteur pourraient baisser de 3 % en 2024. La distribution généraliste n’est pas au mieux également. Cela se traduit par des intentions de recrutements de cadres orientées à la baisse dans le commerce (-1 %) ou seul le commerce interentreprises se maintient (+1 %).
Des recrutements qui concerneraient surtout des cadres informaticiens, d’études-R&D et commerciaux
En 2024, la dynamique des recrutements de cadres se diffuserait à la quasi-totalité des fonctions de l’emploi cadres et plus particulièrement dans les familles de métiers de l’informatique, des études-R&D et du commercial. Ces trois fonctions concentreraient 53 % de l’ensemble des embauches prévues.
Sans surprise, les recruteurs continueraient de privilégier les cadres informaticiens, avec 67 650 recrutements attendus, confirmant année après année leur position centrale sur le marché de l’emploi cadre. Le secteur des activités informatiques (près de 80 % des recrutements prévus de cadres informaticiens) porte de nombreux défis liés à la transformation numérique et digitale des entreprises, à la cybersécurité, à l’essor de nouvelles technologies (notamment l’intelligence artificielle et les solutions génératives) ou encore au développement de solutions vers le cloud. Ces évolutions requièrent par conséquent d’importants besoins en compétences techniques et expertise cadre pour répondre à la forte demande émanant de l’ensemble des secteurs.
Fonction transverse à tous les secteurs d’activité, les cadres commerciaux représenteraient une part importante des recrutements prévus en 2024 (17 %). Avec 52 210 embauches attendues, les cadres en études-R&D seraient aussi particulièrement sollicités par les entreprises de l’ingénierie-R&D, des équipements électriques et électroniques ou encore celles de l’industrie automobile, aéronautique et autres matériels de transport, en pleine mutation technologique.
Les cadres de 1 à 10 ans d’expérience toujours plébiscités par les recruteurs
En 2024, près de 6 recrutements sur 10 concerneraient des cadres de 1 à 10 ans d’expérience professionnelle qui restent les profils privilégiés par les recruteurs. Ils comptabiliseraient à eux seuls 198 830 embauches soit une progression de 10 % par rapport à 2023 si la prévision venait à se réaliser.
Les jeunes diplômé.es de moins d’un an d’expérience profiteraient également de la bonne orientation du marché de l’emploi cadre en 2024 avec 53 920 recrutements attendus (16 % de l’ensemble des embauches). Ils seraient particulièrement ciblés par les entreprises de la communication-médias (26 %), les activités informatiques et télécommunication (23 %) et l’ingénierie-R&D (22 %).
Enfin, les cadres de plus de 10 ans d’expérience professionnelle représenteraient 25 % des embauches globales prévues en 2024. Concernant les profils les plus séniors, les entreprises du secteur privé envisageraient de recruter jusqu’à 20 220 cadres de plus de 20 ans d’expérience (6 % de l’ensemble des recrutements). En 2023, ce sont 23 800 cadres de plus de 20 ans d’expérience qui ont été recrutés. Ces cadres très expérimentés seraient davantage prisés dans les entreprises industrielles que dans les services.
Ces prévisions reflètent les intentions de recrutement identifiées par les entreprises au moment de l’enquête. Dans un contexte où les difficultés de recrutement sont élevées, les entreprises peuvent souvent être amenées à procéder à des ajustements et à s’écarter de leurs projets initiaux, notamment en termes d’expérience. Ainsi, ces ajustements pourraient profiter aux cadres débutants comme aux plus expérimentés en 2024.
Des prévisions 2024 soumises à de nombreux aléas
Une contraction des dépenses d’investissement des entreprises liée à la hausse des taux d’intérêt
Le resserrement monétaire mis en œuvre par la Banque Centrale Européenne pour lutter contre l’inflation pourrait se poursuivre tant que cette dernière ne sera pas complètement jugulée. La hausse des taux d’intérêt qui en résulte pourrait peser sur la propension à investir des entreprises. En effet, si la hausse des coûts de financement venait à perdurer certains acteurs économiques pourraient se montrer bien plus frileux qu’escomptés et suspendre voire annuler leurs projets d’investissement. Les recrutements de cadres associés pourraient être remis sine die. À l’inverse, les taux d’intérêt pourraient baisser mi-2024, comme l’a laissé entendre, début mars, la BCE si la situation économique sur le front de l’inflation s’améliore plus rapidement.
Des risques géopolitiques qui font peser une épée de Damoclès sur le commerce mondial
Le contexte géopolitique s’avère particulièrement anxiogène avec des foyers de tension qui se mul- tiplient et s’accentuent. La guerre que la Russie conduit en Ukraine depuis le 24 février 2022 et le conflit israélo-palestinien pourraient impacter le commerce mondial. En particulier, une amplification des tensions au Moyen-Orient pourrait se traduire par une hausse des prix du pétrole qui serait délétère pour la croissance économique hexagonale.
Une désinflation salutaire
La désinflation qui se profile en 2024 pourrait redon- ner du souffle à la consommation des ménages. Ce moteur de croissance, central pour l’économie hexagonale, pourrait, une fois réactivé, relancer certains secteurs (la distribution généraliste notamment) en proie à de sérieuses difficultés.
En particulier, une amplification des tensions au Moyen-Orient pourrait se traduire par une hausse des prix du pétrole qui serait délétère pour la croissance économique hexagonale.
Le ralentissement économique et l’émergence d’une spirale inflationniste ont incité les ménages à la prudence en 2023 en privilégiant la constitution d’une épargne de précaution. Un retour plus rapide à un niveau d’inflation modéré pourrait changer la donne et inciter les ménages à puiser dans leur « bas de laine » pour consommer. In fine, une baisse de l’épargne des ménages pourrait constituer un soutien à la croissance économique en 2024.