Une exploration inédite des perspectives de genre dans le milieu professionnel

25 octobre 2024 Actualités

2050, une France (du travail) toujours sexiste ?
Une exploration inédite des perspectives de genre dans le milieu professionnel


Sous la direction d’Aurélie Dehling, spécialiste des questions de genre et doyenne associée Prospective & Idéation à KEDGE Business School, une équipe d’experts et d’étudiants de l’école s’est engagée dans une démarche prospective inédite, visant à imaginer l’évolution des rapports de genre dans le monde professionnel d’ici 2050. Publié en septembre 2024, 2050, une France (du travail) toujours sexiste ? est une étude collective qui explore les futures réalités possibles en matière d’égalité hommes-femmes, en s’appuyant sur des analyses approfondies des tendances actuelles.

Cette étude se veut une base de réflexion pour les décideurs politiques, les entreprises, et tous ceux engagés dans la lutte pour l’égalité des sexes. Il invite à un changement de paradigme pour construire un avenir professionnel plus juste et inclusif.

Des constats inquiétants, catalyseurs de réflexion et de prospective
Rappel des constats sur la persistance des inégalités de genre, malgré les évolutions sociétales, qui ont servi de point de départ à cette étude prospective.

 Inégalités salariales :
– En 2021, les femmes dans le secteur privé gagnaient en moyenne 24,4 % de moins que les hommes. Cet écart s’explique en partie par un volume de travail inférieur (les femmes occupent davantage de temps partiel) et une moindre présence dans les postes les plus rémunérateurs.
– À temps de travail égal, les femmes perçoivent 15,5 % de moins que leurs homologues masculins.
– Les inégalités salariales augmentent avec le nombre d’enfants : en 2019, l’écart de salaire en équivalent temps plein entre mères et pères de trois enfants ou plus atteignait 30,9 %.

 Impact de la parentalité :
– Les femmes adaptent majoritairement leur carrière au moment de devenir parents. En 2021, elles étaient 10,6 % moins souvent en emploi que les hommes, et 80 % des temps partiels étaient occupés par des femmes.
– Cette réduction de disponibilité pour le travail est un facteur clé dans la limitation de la progression professionnelle des femmes.

 Inégalités dans l’éducation :
– Dès l’enfance, des stéréotypes de genre sont perceptibles. Par exemple, dans les manuels scolaires de CP, seulement 3 % des personnages exercent un métier scientifique sont des femmes, tandis que 70 % des personnages féminins sont présentés faisant la cuisine ou le ménage.
– À l’école primaire, les enseignantes et enseignants interagissent 56 % du temps avec les garçons, contre 44 % avec les filles.

Quelles perspectives pour 2050 ? Quatre hypothèses entre utopie et dystopie 
Pour imaginer à quoi ressemblera la place des femmes dans le monde du travail en 2050, les auteurs proposent quatre hypothèses qui explorent différents scénarios possibles, chacun révélateur des forces en jeu et des leviers de transformation.
Ces quatre hypothèses offrent des trajectoires possibles, allant du scénario de continuité à celui d’une véritable égalité obtenue grâce à une mobilisation collective. L’objectif est de nourrir les réflexions sur les actions à mener dès aujourd’hui pour éviter un futur inégalitaire et se diriger vers un monde du travail plus inclusif et équitable.

La société de la lente transformation
Dans cette première hypothèse, les inégalités de genre diminuent progressivement mais sans rupture franche. Les changements se font à un rythme lent, porté par des réformes législatives et des actions sociales limitées. Les écarts de rémunération persistent, bien que légèrement réduits, et les femmes continuent à adapter leurs carrières en fonction de leur rôle familial. Les métiers traditionnellement féminins restent sous-valorisés et sous-payés. C’est un scénario d’évolution modérée, où la prise de conscience existe, mais où les structures inégalitaires se maintiennent en partie.

Une égalité par la technologie et l’automatisation
Dans ce scénario, l’automatisation et la robotisation du travail jouent un rôle central dans la réduction des inégalités. Les tâches domestiques et parentales sont largement déléguées à des technologies avancées, ce qui libère les femmes et les hommes des contraintes qui limitent aujourd’hui l’accès à une carrière équitable. L’égalité salariale devient possible grâce à l’effacement de certaines des inégalités traditionnelles liées à la disponibilité pour le travail. Cependant, cette hypothèse soulève des questions éthiques, notamment sur la valeur des métiers de care, principalement féminins, dans un monde dominé par les technologies.

Un retour en arrière dû à la crise et à la précarisation
Ce scénario plus pessimiste imagine une société marquée par des crises économiques et sociales qui renforcent les inégalités. Les efforts pour atteindre l’égalité de genre sont freinés par une précarisation accrue des emplois, et les droits des femmes régressent face à la montée des conservatismes. La parentalité devient un facteur encore plus discriminant, et les femmes sont de plus en plus cantonnées à des rôles de soutien ou à des emplois précaires. Les inégalités salariales et de progression de carrière s’aggravent, et la société revient à des schémas plus traditionnels.

L’égalité réelle grâce à des politiques publiques ambitieuses
Dans cette hypothèse optimiste, l’égalité entre les hommes et les femmes est enfin atteinte grâce à des politiques publiques volontaristes et des réformes structurelles profondes. L’État, en partenariat avec les entreprises, met en place des mesures fortes : congés parentaux équitables, transparence salariale, quotas de parité dans tous les secteurs, et soutien massif aux métiers traditionnellement féminins. Le travail domestique et parental est valorisé, et les femmes accèdent aux mêmes opportunités que les hommes dans tous les domaines professionnels. Ce scénario est celui d’une véritable révolution sociale, où la société dans son ensemble s’engage pour l’égalité.

Et après, quelles pistes concrètes pour un avenir plus égalitaire ?
Au-delà des diagnostics, « 2050, une France (du travail) toujours sexiste ? » propose des solutions concrètes pour réduire les inégalités de genre :
Repenser la parentalité facteur central des inégalités professionnelles. L’ouvrage propose l’égalisation des congés parentaux pour éviter que les femmes ne soient pénalisées dans leur progression de carrière. Des entreprises pionnières ont déjà mis en place des congés parentaux équivalents, mais ces initiatives restent rares et nécessitent un soutien plus large. 
Revaloriser les métiers féminisés : Le livre insiste sur la nécessité de revaloriser symboliquement et économiquement les métiers souvent occupés par des femmes, tels que les métiers du soin, afin de lutter contre la ségrégation professionnelle et les bas salaires dans ces secteurs.
Éducation et stéréotypes de genre : L’ouvrage recommande des actions dès l’éducation pour déconstruire les stéréotypes de genre, notamment à travers des programmes scolaires égalitaires et des formations pour les personnels éducatifs.​
Transparence salariale et égalité en entreprise : L’étude plaide pour des pratiques de transparence sur les salaires et la mise en place de quotas de parité dans les postes de direction. Ces initiatives peuvent accélérer l’évolution vers une égalité réelle au sein des entreprises.

(Un travail prospectif à l’initiative de KEDGE Business School
Cette étude, unique en son genre, est le fruit de mois de réflexion et de collaboration entre étudiants, chercheurs et prospectivistes sous l’égide de KEDGE Business School. En tant que référence académique et acteur engagé dans l’innovation pédagogique, l’école a souhaité apporter une contribution significative aux débats sur l’égalité de genre. Le cadre de réflexion, volontairement large, envisage plusieurs futurs possibles où les inégalités pourraient persister ou s’estomper, selon les choix sociétaux à venir.
)