Un milliard de candidats sur Facebook : le réseau idéal des recruteurs ?
Compte-rendu de la conférence-débat mensuelle du Club des Chasseurs de Têtes.
LinkedIn, Viadeo ou même Twitter, les réseaux sociaux sont aussi faits pour trouver du travail. Diffusion d’offres d’emploi, approche de la part de recruteurs, CV en ligne… Beaucoup de moyens sont disponibles, de la part des candidats, des employeurs et des chasseurs de têtes, afin de remplir les missions respectives de chacun : trouver un poste ou trouver un candidat. Qu’en est-il de Facebook ? En mars 2014, le réseau social de Mark Zuckerberg comptait 26 millions d’utilisateurs en France et plus d’un milliard dans le monde.
Ce mardi 29 avril, en compagnie de Perrine El Khoury, directrice du business development de Work4, Emmanuelle Lenoir, responsable marque employeur à la direction du recrutement du groupe Sopra et Franck La Pinta, responsable de la stratégie digitale de la Société Générale et de la communication externe RH, Yannis Mercier, administrateur du Club des Chasseurs de Têtes, dirige ce débat. Il l’entame avec la question suivante : « Qui, parmi vous, ne possède pas de compte Facebook ? » Peu de mains se lèvent, le réseau social confirme sa tendance à être massivement utilisé. Mais dans une optique de recrutement, Facebook n’offre pas autant d’engouement ni, a priori, d’utilité pour les chasseurs de têtes. La seconde question de Yannis le confirme : « et qui, parmi vous, a déjà recruté grâce à Facebook ? » Un silence unanime plane en guise de réponse.
Néanmoins, il semblerait que le réseau social le plus utilisé au monde soit prometteur d’un point de vue professionnel et c’est l’enjeu auquel Perrine El Khoury, Emmanuelle Lenoir et Franck La Pinta ont pris part, chacun à leur manière.
Peut-on recruter sur Facebook ?
Cette question a permis d’ouvrir la conférence et Perrine s’est livrée à une réponse détaillée.
« Abordons cela en terme de stratégie et d‘objectifs d’utilisation de la plateforme pour votre recrutement. 3 axes composent la stratégie possiblement offerte par Work4 : tout d’abord, la diffusion des offres d’emploi sur lesquelles vous avez besoin de communiquer. Nous avons, pour cela, créé un site carrière Facebook. A l’intérieur de la page, via un onglet, on poste les offres d’emploi. « Il faut savoir que Facebook compte 26 millions d’utilisateurs en France, rappelle Perrine. Il y a un vivier, il est disponible et nous avons envie de l’atteindre. En effet, les offres diffusées sont visibles par vos fans, il y a une réelle dimension de communauté qui est à prendre en compte ».
Le second axe s’articule autour d’un sourcing « semi-actif ». Il s’agit de chercher les candidats grâce à un premier levier qui est la publicité. Elles peuvent être utilisées pour le recrutement et cela peut aider démarcher le candidat potentiel car ils sont visés, par exemple, en fonction de leur formation. Ainsi, la publicité ciblée peut fonctionner mais, précise Emmanuelle Lenoir, « il faut que les utilisateurs aient accepté de remplir ces informations sur leur profil ». Le partage des offres d’emploi, sur une page ou sur les profils des utilisateurs Facebook, est le second levier de ce second axe. « La diffusion se fait de façon virale et sociale. C’est l’utilisation des réseaux sociaux pour la cooptation ».
« Troisième et dernier axe, le sourcing actif. C’est l’utilisation d’une base de données. En l’occurrence, celle de Facebook comporte un milliard d’utilisateurs dans le monde, pour trouver le profil qui correspond à vos critères et le contacter » conclut Perrine El Khoury.
« Nous sommes rentrés sur Facebook sans trop savoir ce qu’on allait y faire »
C’est de cette manière, sans vraiment de certitude, que la Société Générale a fait ses premiers pas sur les réseaux sociaux. Ainsi, confie Franck La Pinta, « nous avions juste la volonté et le besoin de développer des présences complémentaires au site de recrutement classique, sur lequel on trouve de l’information froide telle que la présentation des métiers, de l’entreprise et de son organisation. Les réseaux sociaux tels que Facebook, LinkedIn, Viadeo, Twitter ou encore Youtube permettent de compléter ce qu’on ne trouve pas sur le site, c’est-à-dire de l’actualité chaude que l’on va renouveler régulièrement. » En d’autres termes, il s’agit de contenu complémentaire. Mais à quelles fins ? A quel moment a-t-on besoin d’utiliser un réseau social ?
« Avoir des pages affinitaires limite la pollution »
Le responsable en stratégie digitale de la Société Générale poursuit : « notre stratégie a été de créer des communautés spécifiques, comme par exemple SG Alternance. Nous allons proposer, en complément d’une page « brandée », du contenu qualitatif sur l’alternance. Nous préférerons poster un article provenant de letudiant.fr plutôt qu’un statut incitant à venir chez la SG. Notre approche est de capitaliser sur des communautés homogènes afin que le sujet traité soit unique. Cela va limiter la pollution en termes de candidats non intéressés. La seconde étape est de faire partager les offres par les utilisateurs ou les employés dans une logique de cooptation. L’idée est d’obtenir un certain pourcentage de recrutement via les réseaux sociaux. » Les pratiques ont évolué avec les réseaux sociaux ; néanmoins l’efficacité de cette méthode est à tempérer. En effet, rappelons que le community management est un métier à part entière et que les collaborateurs de la SG ne connaissent pas nécessairement la palette de métiers disponibles.
« Nos campagnes de recrutement sont extrêmement ciblées »
Emmanuelle Lenoir rappelle que la page Facebook du site Sopra a été créée en 2008. « Au départ, nous souhaitions partager et pousser des news sur ce réseau social : c’est le premier axe dont parlait Perrine. En 2011, nous avons intégré la page carrière Work 4 à la page Sopra. L’objectif est de diffuser le maximum d’offres d’emploi et de les pousser à notre base de fans. Nous nous sommes arrêtés au deuxième niveau, c’est-à-dire que nous n’avons pas utilisé la base de données de Facebook pour « chasser ». Nous faisons régulièrement des campagnes Facebook qui sont très précises : les critères peuvent être l’école du candidat, son entreprise et peuvent aussi cibler ceux qui passent sur la page carrière et qui ont déjà un intérêt pour la marque… » Des outils, telle que la diffusion automatique d’offres d’emploi sur les murs d’utilisateurs, nous aident dans cette démarche. L’année dernière, nous avons été plus loin avec l’outil « sharing », qui permet de partager aux collaborateurs les offres d’emploi diffusées sur Facebook.
« Les usages changent : le candidat est prêt à postuler sur Facebook »
Et Emmanuelle Lenoir d’ajouter qu’aujourd’hui, « le candidat a une approche multi-canal. Il sera peut-être fan de notre page Facebook, peut-être aura-t-il juste visité notre site. Quoiqu’il en soit, c’est un investissement sur l’avenir que nous effectuons : s’il ne postule pas tout de suite, nous gardons quand même le contact avec lui. Quantitativement, on ne peut pas se passer des autres outils tels que les job boards. Facebook est surtout intéressant, au-delà du chiffre de recrutement possible, par sa récente évolution. Les usages changent ; aujourd’hui, le candidat est prêt à postuler sur Facebook. La population y est très jeune et correspond exactement à la cible des jeunes diplômés ingénieurs : 70 % de garçons et 30 % de filles. » Notons également que le changement se situe aussi sur mobile. Au premier trimestre 2014, trois fois plus de candidatures ont été reçues chez Sopra via l’application de social job sharing, que sur l’ensemble de l’année 2013.
« Facebook est un espace de communication, pas un terrain de chasse »
Si différentes méthodes sont employées afin d’attirer le candidat vers une entreprise, les objectifs varient également. Franck La Pinta explique notamment que « Facebook n’est pas mon canal principal de recrutement. C’est un outil complémentaire pour pousser du contenu parce que je l’ai positionné ainsi ; c’est un choix » mesure-t-il.
Une question de Dan, un des membres du Club des Chasseurs de Têtes, vient ponctuer le débat : « dans le flux de cette évolution, je me pose la question suivante : je suis un cabinet de recrutement. Je cherche un directeur général Espagne pour une boîte de distribution ou un directeur informatique : comment fais-je pour le trouver sur Facebook ? Y’a-t-il un moyen ? Car à la différence de LinkedIn, il n’y a pas de mots clés. »
Plusieurs réponses sont formulées, de part et d’autre de l’audience : « vous ne le trouverez pas car ce c’est un espace de communication avant tout, pas un terrain de chasse. » « Ce n’est pas le bon outil » peut-on aussi entendre.
Comment, alors, atteint-on les candidats ? Perrine El Khoury explique : « c’est le 3ème niveau dont je parlais tout à l’heure. En 2013, un outil a été développé par Facebook: il ressemble comme 2 gouttes d’eau aux outils de chasse tels que LinkedIn ou Viadeo. Le principe est de chercher des profils, via des critères donnés. Les usages sont encore récents et peu développés mais l’outil existe et la base de candidats également ! Nous sommes tous « trouvables » sur Facebook via une requête, à une seule condition : il faut avoir rempli ses informations professionnelles sur le réseau social ».
C’est la raison pour laquelle Facebook a beaucoup poussé les utilisateurs à remplir ces informations ces derniers mois. Nous disposons, chez Work4, de la possibilité d’analyser les profils de candidats qui passent par notre application. « 3 profils sur 5 ont rempli des informations professionnelles. La possibilité de chercher des personnes qui ont travaillé à des niveaux de postes importants est donc réelle. »
Yannis Mercier rappelle que « le débat est comme il y a 5 ans : il faut aller là où sont les CV. On peut supposer que la puissance de Facebook va faire la même transition que LinkedIn ou Viadeo : centraliser les CV vers lui ».
Peut-on alors s’attendre à voir un véritable milliard de candidats potentiels sur Facebook, d’ici quelques années ? Encore faut-il s’assurer que la distinction entre profil personnel et profil professionnel soit réellement faite ; le recrutement sur ce réseau social n’en est qu’à ses balbutiements.
Perrine El Khoury, Emmanuelle Lenoir et Franck La Pinta ont été reçus au Press Club de France dans le cadre de la conférence-débat mensuelle du Club des Chasseurs de Têtes.