L’EMPLOI DES CADRES DE L’IMMOBILIER DANS UN MONDE « FOU, FOU, FLOU » 2018 – 2019

13 février 2019 Actualités

Par Laurent DEROTE , dirigeant et fondateur de DVA Exécutive Searchhttps://www.dva-executive.com/fr

L’année 2018 vient de s’achever et le moins que l’on puisse dire est qu’elle a été particulièrement agitée et incertaine en matière économique, politique et sociale. 

Sur le front de la croissance mondiale, les nuages se sont amoncelés dès mi-2018. Les marchés financiers ont joué à se faire peur et ont perdu confiance, préoccupés tant par la Chine, l’Italie, le Royaume Uni et son Brexit, d’autres économies de la zone euro et aussi des pays émergents, que par les décisions et les comportements inquiétants et imprévisibles du Président américain. La montée générale du populisme en occident et ses conséquences amènent nombre de groupes sociaux à « se tirer une balle dans le pied », avec en toile de fond, une chute de la croissance mondiale et peut être l’arrivée d’une grande crise causée par de trop nombreux « Docteurs Folamour ». 

Guerre commerciale entre Pékin et Washington, décélération de l’activité en Chine, Allemagne, au Japon, en Italie ou en Suisse, autant de pays qui ont vu leur PIB se contracter au troisième trimestre 2018. En décembre, la croissance du secteur privé en zone euro est tombée à son niveau le plus bas depuis quatre ans. La menace d’un Brexit chaotique, désormais plausible, rajoute du « flou » dans un monde devenu fou ! 

Ce n’est guère mieux en France, même si la crise sociale des « gilets jaunes » semble se calmer, en tout cas devenir plus maîtrisable grâce à une très récente reprise en main des pouvoirs publics, aidés par l’incohérence, la dispersion, l’utopie d’un mouvement qui présente chaque jour un peu plus ses fractures, mais qui se révèle aussi être « l’ange noir » d’un supposé bon vivre en France et qui ne l’est pas tant que cela. 

Ce n’est pas sans conséquence. L’INSEE table désormais sur une croissance de 1,5% en 2018 (pour 1,8% projetée en début d’année et une réalisation de +2,3% en 2017), ainsi qu’en 2019, malgré la note positive des mesures prises pour répondre à la crise et le soutien de la consommation qui en résultera. Mais le déficit budgétaire et l’endettement du pays posent problème et compter sur le « grand débat » pour les réduire ne va pas de soi. 

L’industrie immobilière nous a aussi réservé des surprises. L’investissement a connu une année record, le marché locatif bureau est resté à un bon niveau même s’il a fortement décru en fin d’année sur l’Ile-de-France, la promotion et les services en immobilier d’entreprise aussi, notamment dopés par les grands projets, l’imprégnation du développement durable et les évolutions socioculturelles en matière d’aménagement de bureau, générant une accélération de l’obsolescence et la mise à niveau du parc, ainsi que la réalisation de grands projets, sans oublier le développement de plateformes logistiques lié notamment à celui du e-commerce. En matière de logement, la vente d’ancien a été particulièrement dynamique avec un pic oscillant autour de 950.000 ventes réalisées sur 12 mois glissants depuis fin 2017. 

Par contre la promotion neuve a accusé une baisse sensible supérieure à 10% dans l’hexagone, plus forte dans certaines régions de France. 

En matière d’emploi, le marché continue à être très offreur mais 2018 s’est révélée plus nuancée et plus surprenante que 2017. L’année a commencé en faiblesse, nous avons immédiatement ressenti les conséquences d’un affaiblissement du PIB à +0,2% les deux premiers trimestres avec un creux important en mai, un rattrapage partiel en juin et juillet et un redémarrage en septembre qui s’est poursuivi au dernier trimestre pour terminer décembre en apothéose, ceci en pleine crise sociale et dans un contexte de marchés financiers très baissiers. Ainsi avons-nous réalisé un des plus gros mois de décembre jamais enregistré en prises de commande et aussi en décisions de recrutement. Nous avons été surpris par la décorrélation entre un marché de l’emploi des cadres de l’immobilier très offreur, qui plus est en tertiaire, et un environnement économique et social brusquement très dégradé…Heureusement surpris, mais cependant inquiet : n’est –ce pas un décalage dans le temps et le marché ne va-t-il pas se tasser au premier trimestre 2019 ? Nous sommes « dans le flou » ! 

Dans cet environnement mouvant, DVA Executive Search a réalisé la meilleure année de son existence à l’aube de son 5ième anniversaire. L’équipe de treize collaborateurs dont cinq consultants associés et partenaires a signé pour plus de 3 M€ de missions en 2018. 

Par rapport à 2017, la part des promoteurs privés et des aménageurs a baissé à moins d’un tiers du total, celle des institutionnels a très fortement grimpé à près de 30%, l’immobilier du commerce et de la distribution, touché au premier semestre, s’est rattrapé au second pour atteindre 20% du total sur l’année. Les services immobiliers, le logement social, les directions immobilières « utilisateurs », sont globalement à la baisse. 

Promotion immobilière : ralentissement en résidentiel, forte dynamique en tertiaire et projets mixtes 

Classiquement, en promotion résidentielle, nous avons été missionnés en Ile-de-France, Bretagne, Centre, Savoie, Nouvelle Aquitaine, Rhône-Alpes, Nord, PACA, Normandie, pour la recherche de directeurs de centre de profit et de directeurs généraux : agence, région, filiale ; de directeurs du développement ; d’un directeur des opérations mixtes à dominante résidentielle ; de responsables de programmes ; d’un directeur technique central ; d’un directeur marketing et digital. Un responsable de la stratégie et de la communication, un responsable études et analyses clients, la constitution d’une équipe de conseillers commerciaux complètent le tableau. 

En promotion tertiaire Ile-de-France, nous avons notamment recherché un directeur de programmes parcs d’activités, un directeur technique, un directeur du développement tertiaire, deux responsables de la valorisation foncière B to B, un directeur général opérations mixtes… 3 

Au-delà-même des missions qui nous ont été confiées, nous avons perçu une forte dynamique en fin d’année. 

Enfin en fonctions « corporate » chez les promoteurs, nous avons recherché des juristes seniors promotion, un responsable webmastering et développement web, un DSI. 

Des institutionnels très orientés maîtrise d’ouvrage dans leurs recrutements. 

Le paradoxe est apparu dès le début de l’année : notre activité de recrutement chez les institutionnels est en très forte hausse par rapport à 2017 avec le doublement du CA signé mais nous avons contracté moins de missions d’investissement et d’asset-management. Ces dernières ne sont arrivées que dans la seconde partie de l’année. 

Nous sommes intervenus pour la direction générale de fonds, chez des foncières et gestionnaire d’actifs en locaux d’activités, logistique, bureaux, opérations mixtes de centre-ville commerces / tertiaire. Nous avons aussi travaillé pour des groupes immobiliers privés qui développent leur filiale REIM. 

La maîtrise d’ouvrage a été particulièrement à l’honneur en 2018 chez les institutionnels, ces postes se substituant en partie à ceux de l’investissement et de la gestion d’actifs au premier semestre, traduisant sans doute l’accent mis par bon nombre d’institutionnels, notamment foncières de développement et leaders du private-equity immobilier, sur le développement en activités et logistique et l’investissement tertiaire en « value-added » : directeurs et responsables des opérations, directeurs de projets, responsable de programmes et responsable technique maîtrise d’ouvrage, adjoints au directeur du développement…. 

Nous avons aussi travaillé sur les postes d’investissement et gestion de fonds et d’actifs, en recherchant plusieurs asset-managers en foncière et gestionnaires de fonds étrangers, des analystes investissement et contrôleurs financiers, des directeurs de portefeuille, un directeur de l’investissement et de l’asset-management France en private-equity, un autre au sein d’une foncière internationale spécialisée… 

L’immobilier du commerce et de la distribution se redresse après un premier semestre difficile 

Le secteur, qui a démarré difficilement au premier semestre, s’est partiellement rétabli à partir de la rentrée. Nous avons recherché pour les prestataires de services spécialisés, des directeurs commerciaux et marketing, plusieurs commercialisateurs en pieds d’immeubles, des développeurs et chargés d’expansion en Ile-de-France et régions dans la restauration et chez des conseils, dans l’assurance B to C. 

Citons également des responsables gestion locative et un directeur du property management chez un conseil et une foncière spécialisés, des directeurs et chefs de projets Ile-de-France et régions, des consultants transaction, des asset-managers, un directeur gestion technique et construction, des postes corporate siège dans la grande distribution.  

Une belle mission de conseil en organisation nous a également été confiée par un groupe privé investissant dans le retail, avec les recrutements conséquents dont la direction générale. 

Ainsi avons-nous bien rattrapé une activité particulièrement affectée au début de l’année. 

Services et conseils immobiliers en baisse depuis le second semestre 2018. 

Nous avons recherché pour un leader international du conseil un patron du département investissement résidentiel ainsi qu’un directeur études et recherches, et pour un institut spécialisé, un directeur de la stratégie. 

Domaine plus confidentiel, les garanties et cautions octroyées aux professionnels de l’immobilier par une société spécialisée. Cette dernière nous a mandatés pour un directeur clientèle grands comptes et ses deux experts. 

Enfin, n’omettons pas des missions de conseil en matière de digitalisation chez des prestataires dans l’immobilier institutionnel ainsi qu’une mission d’évaluation de professionnels en Belgique pour prendre la direction générale d’une société de construction et d’aménagement résidentiel et tertiaire. 

L’immobilier utilisateur et d’exploitation toujours présent 

Nous avons travaillé dans le secteur des EHPAD, en développement toutefois limité par la régulation imposée par les ARS lorsqu’il s’agit d’opérations neuves, pour la recherche de directeurs d’opération et de responsables juridiques. Nous avons aussi recherché un directeur technique chez les spécialistes des résidences services affaire. 

Enfin, dans les directions immobilières d’entreprise, nous sommes intervenus pour les postes de directeur immobilier d’une grande association à but non lucratif, pour un responsable du portefeuille immobilier d’exploitation d’un grand assureur spécialisé, enfin pour plusieurs chefs de projet dans les services pour l’industrie. 

Logement social : un secteur en profonde mutation 

DVA est intervenu pour des missions de directeur de la promotion et du développement au sein d’ESH du groupe Action Logement en région, pour un responsable du développement au sein d’un office public, des recherches concernant un directeur des études économiques et financières et un auditeur – conseil au sein d’une grande organisation professionnelle. Enfin nous avons réalisé une mission de conseil pour la même organisation en matière de digitalisation et de systèmes d’information. 

Belles perspectives en ce début 2019. Mais l’année finira t’elle bien dans un monde « fou, fou, flou » ? 

Notre encours de missions est supérieur de 15% à celui de 2017 au 31/12, et le volume des négociations en cours, de près de 40%. La situation est donc très favorable en ce début d’année 2019. Les contacts portent sur le développement de l’asset-management pour compte de tiers, l’aménagement de bureaux au sein d’un leader du secteur, le développement en résidences senior, la commercialisation et l’expansion de sites commerciaux, la direction, le développement et les relations utilisateurs dans la promotion tertiaire, plusieurs directions régionales en promotion résidentielle, la structuration d’une activité de services et de conseil en sites commerciaux, le contrôle financier dans des fonds d’investissement, des managers en expertise immobilière, plusieurs missions d’accompagnement à la transformation digitale, en matière de property-management, de services et de datas immobiliers enfin, de promotion immobilière. 

Encore faut-il pour que les choses se déroulent favorablement, qu’il n’y ait pas « d’effet retard » des troubles sociaux de fin d’année, d’attentisme ou d’annulation provoqués par les évènements actuels et à venir. 

2019 apparaît toujours plus incertaine et il n’est pas aisé de prévoir quels seront les facteurs déterminants, entre les positifs – taux d’intérêt maintenu à des niveaux très bas, accroissement du pouvoir d’achat, effets positifs du Brexit à court terme sur les externalisations vers la France, investissement des entreprises et des investisseurs favorables (si les troubles sociaux ne s’éternisent pas), besoins en logements et besoins en espaces de bureaux alimentés par le dynamisme des entreprises, le renouvellement du parc induit par les évolutions sociologiques et du développement durable, la métropolisation en régions…..Et les négatifs : poursuite des troubles sociaux en France, conséquences négatives de moyen terme du Brexit, économie, géopolitique et mouvements sociaux à caractère populiste cassant la croissance en Europe, risque de crise financière induite, risque d’accroissement des taux un jour ou l’autre corrélativement à une croissance certaine celle-là du déficit budgétaire français et de la dette publique. 

Dans cet environnement, dans un monde « fou, fou, flou » ou les acteurs politiques compromettent leur propre avenir et celui de leur pays pour prendre l’ascendant sur le très court terme, n’hésitant pas à déstabiliser pour cela l’activité économique et les institutions dans une confusion généralisée alimentée par la circulation à la vitesse de l’éclair d’une information partielle, partiale, fausse et manipulée, les risques de crise impactant « in fine » l’immobilier sont élevés. 

Dans les métiers du conseil, dans notre métier, il s’agit d’être toujours plus proche des marchés, des professionnels et de nos clients afin de les accompagner, de répondre à leurs questions et à leurs besoins, intégrant le développement durable, les évolutions sociétales impactant le monde du travail, de l’aménagement, de la ville et de l’habitat. 

Laurent DEROTE – 21 janvier 2019